Au dernier étage du cinéma Louxor se trouve un café convivial. C’est dans cette ambiance que nous avons rencontré Karen Assayag, pour nous parler de son parcours. Nous l’avions rencontrée quelques semaines plus tôt lors du vernissage de l’exposition photo « Spectateurs » dont elle est l’initiatrice.
Karen Assayag est née à Casablanca. Elle suit le parcours scolaire d’excellence au Maroc, passeport pour des études supérieures en France : le lycée Lyautey.
Depuis l’enfance, Karen voue un intérêt aux travaux manuels et au dessin. Ainsi, après l’obtention de son bac, elle souhaite intégrer les Beaux-Arts à Paris mais opte pour la sécurité avec des études d’économie et de communication.
Suite à une licence de communication et un master spécialisé en sémiologie, où elle explore ses premiers rapports à l’image, notamment dans le cinéma et à la télévision, elle s’intéresse aux maisons de disques, « une passerelle pour collaborer avec des artistes». Après un stage chez Sony Music, elle réussit le concours d’entrée au Master spécialisé en marketing et publicité d’Assas, n’acceptant que trente étudiants parmi mille huit-cents postulants. Elle décroche alors un stage en alternance chez un géant de la publicité, l’agence Euro RSCG (depuis 2012, Havas Worldwide), qui lui proposera son premier CDI. Elle y suit le parcours classique de chef de pub et directrice de clientèle, puis intègre l’agence française indépendante, Australie. Elle s’aménage du temps pour prendre quelques cours de photographie numérique en dehors du travail.
Pendant son temps libre et ses voyages, elle emporte ses appareils photo, argentique et numérique. C’est pour elle un « loisir extraordinaire », parce qu’elle se rend compte de « la chance d’avoir découvert cette passion ». « Surtout pour la première fois de ma vie, j’expérimentais un sentiment nouveau : j’étais tellement concentrée pendant que je photographiais que le temps s’arrêtait, laissant au fond de moi un sentiment de joie et d’excitation. », raconte-t-elle avec ferveur.
Cet intérêt croissant pour la photographie s’est fait en parallèle de la naissance de Facebook. Le réseau social l’a d’ailleurs encouragée dans cette voie grâce aux commentaires positifs postés par des directeurs artistiques, agents de photographes, éditeurs et autres personnes légitimes dans le domaine de l’art. « Facebook m’a permis de me confronter au regard des autres sans qu’ils soient face à moi. ». Elle alimente régulièrement sa page Facebook en faisant des carnets de voyages, souvent sous forme de diptyques, qui dénoncent certaines situations de manière « tendre ». Ou en postant des séries de photos qu’elle rephotographie en faisant des montages, des collages, des incrustations d’objets, des mises en scène. Dans ses travaux, Karen expose son style et sa vision personnelle : « j’aime photographier les situations de la vie quotidienne, celles où la légèreté et l’humour côtoient l’absurdité. Parfois, il faut contourner certaines situations de la vie pour ne pas les subir. La photographie me permet d’apporter une certaine tendresse, un peu d’humour à des situations qui peuvent être difficiles ou ennuyeuses, voire absurdes. »
Karen se construit un « œil photographique » et « une vie parallèle » à son métier de publicitaire. La photographie devient omniprésente dans son quotidien : rencontres avec des photographes, expositions, galeries, festivals et foires, signatures. « Quand tu repars avec un livre signé de William Klein, Martin Parr, Bruce Davidson, Joel Peter Witkin ou Jurgen Teller, tu n’as qu’une envie, c’est de continuer à faire des photos ! » Tout ceci prend progressivement le dessus sur sa vie professionnelle, et elle décide désormais de s’investir pleinement dans la photographie.
C’est alors qu’en moins d’un an tout s’accélère : elle signe son premier contrat avec cette même agence, qui lui commande des photos pour une exposition, « un coup d’envoi » symbolique. Mais pour Karen, ce n’est pas suffisant : « tu ne t’improvises pas un nouveau métier comme ça, il faut que tu fasses tes preuves ». Elle crée son site internet, travaille sur plusieurs nouvelles séries, les fait publier dans des magazines, assiste des photographes et poste plein de photos sur les réseaux sociaux. Puis, « une jolie rencontre virtuelle », annonce-t-elle : elle se fait repérer en juin 2013 par « Wilfrid Estève, un homme brillant, photographe, journaliste, producteur, enseignant ». Il suit son travail depuis quelques années sur internet et lui propose de rejoindre le studio de création et de production qu’il a fondé en 2006 : Hans Lucas.
Par la suite, en septembre dernier, elle arrive finaliste d’un concours prestigieux de la photographie : la Bourse du Talent Mode, avec sa série intitulée « Wild and Free ».
Au même moment, Karen se présente à l’ouverture du cinéma Louxor, fermé depuis vingt-six ans, et constate que la salle du deuxième étage est un superbe espace d’exposition. Elle propose au directeur du cinéma de réaliser des portraits des spectateurs tels qu’ils sont lorsqu’ils se présentent au cinéma pour voir un film. Suite à trois semaines de shooting en octobre, l’exposition voit le jour en décembre pour se prolonger jusqu’en mars 2014.
Cette nouvelle vie lui permet d’aménager son emploi du temps : « La liberté infinie c’est ça. J’ai toujours eu du mal avec les horaires de bureau imposés, c’est contre-nature.» Elle travaille autant que lorsqu’elle était en CDI, mais choisit comment et quand elle fait les choses. Elle ne cache pas son degré élevé d’exigence envers elle-même : « Je porte toujours un regard hyper sévère sur moi-même. Quand tu es très exigent, tu sens le chemin que tu dois prendre pour t’améliorer. Et tu ne te laisses guider que par ça. »
En 2014, elle flirtera à nouveau avec les agences de publicité, puisqu’en parallèle de son activité de photographes, elle démarre au sein de Hans Lucas une activité d’agent de photographes. Forte de son expérience dans la publicité, et côtoyant des photographes talentueux qu’elle veut introduire dans son réseau, elle vient de recruter Yougo Jeberg et Jules Faure pour les représenter au sein des agences et des magazines.
Aujourd’hui, Karen Assayag adorerait trouver une jolie galerie pour exposer ses photos « collaborer avec la presse et les agences de publicité, et la consécration ultime : publier un livre ! « .